Fermeture de A Little Market, les leçons à tirer et quelles solutions pour les entrepreneurs

La plateforme aLittleMarket était devenue en 8 ans la plateforme majeure du fait-main et du Made In France dans l'hexagone. D'après les témoignages recueillis, elle était appréciée pas ses utilisateurs tant pour sa politique commerciale que son côté convivial. Oui, mais la direction d'Etsy.com, entreprise Américaine similaire qui a racheté aLittleMarket en 2014, a décidé ce 3 Juillet 2017 de mettre un terme à cette belle aventure Française, en annonçant la fermeture de A Little Market en laissant 2 mois aux vendeurs pour prendre leurs dispositions.

A Little Market en chiffres

  • A Little Market a été fondé en 2009 par Nicolas Cohen, Nicolas d’Audiffret et Loic Duvernay
  • 2 Millions de visiteurs /mois
  • 620.000 membres
  • 100.000 vendeurs
  • 4 Millions d'€ de C.A / mois
  • 2 Millions d'€ de levée de fonds
  • entre 5% et 10% de commission sur les ventes
  • Racheté en 2014 par le groupe Américain Etsy pour 74 Millions € 

(Source : étude Onopia)

Ces chiffres démontrent la croissance très puissante qu'a connu A.L.M sur le marché Français. Etsy, son concurrent Américain est quant à lui, un géant mondialisé et sur sa plateforme, les ventes sont majoritairement internationales. La politique d'Etsy lors du rachat en 2014 était d'ailleurs de conserver A.L.M pour son identité, ses particularités et son implantation forte en France.

Désormais les vendeurs A Little Market sont sommés de migrer leur boutique sur Etsy dans un délai de 2 mois, ou de la perdre.

Dans ce contexte, nul doute que les réactions sont vives et nombreuses, et pour cause, cette plateforme c'est encore à cette heure environ 90.000 boutiques gérées par des entrepreneurs, micro-entrepreneurs, ou amateurs, dont beaucoup dépendent plus ou moins fortement de cette plateforme pour leur activité, à l'image de Sarah qui réalise une part majoritaire de son C.A sur cette plateforme.

"Je suis sur ALM mais j'ai également mon propre site, divers blogs même si, comme pour beaucoup, c'est ALM qui générait le revenu d'activité le plus élevé".

"Ce n'est pas tant la fermeture qui nous contrarie mais la précipitation qui ne laisse à personne le temps de se retourner, et présente Etsy comme une solution de repli quasi-obligatoire".

Sarah Lemonnier, Artisan Bijoutière | | Alm


Parmi les réticences à migrer sur Etsy, les vendeurs évoquent la politique tarifaire de Etsy plus dure que celle de A Little  Market, l'esprit concurrentiel d'une market place très "internationale", moins conviviale et moins "frenchy", le temps d'adaptation nécessaire pour utiliser une plateforme différente, et surtout le caractère brutal de cette annonce qui sonne la fin d'une belle aventure.

Un autre point qui m'a marqué lors de ces entretiens est le côté "affectif" que semble avoir de nombreux utilisateurs avec A Little Market qui proposait aussi un blog, et un forum très apprécié des vendeurs/vendeuses et avait construit au fil des années un esprit communautaire fort.

Le constat étant posé, il y a peu de place au doute : A Little Market va bien disparaitre.


Alors après la déception, que faire ? 

j'ai voulu ici interroger des vendeurs pour dégager les solutions, les idées qui selon eux pourraient leur permettre "une suite heureuse" sans A.L.M.

Cet évènement majeur est loin d'être le premier qui touche des vendeurs de la toile. Il pose 2 questions principales :

  • la question de l'indépendance :
    comment l'entrepreneur peut-il agir pour réduire sa dépendance aux plateformes géantes
  • la question macro-économique :
    l'économie du partage contre l'ubérisation extrême

Comment l'entrepreneur peut-il agir pour rester indépendant des plateformes

Le monde étant ce qu'il est, et le changement long,  l'entrepreneur qui veut durer doit savoir prévoir et s'adapter à son environnement. Je le disais plus haut, l'histoire de la dépendance vis à vis d'acteurs géants du web n'est pas nouvelle,  et d'autres, bien avant ont connu ces mésaventures. Dans mon métier, je conseille aussi des entrepreneurs du web, et j'ai vu des dizaines de cas très typiques, en voici 3 :

  • l'entrepreneur qui avait tout misé sur la publicité Google et qui se fait exclure du jour au lendemain de la plateforme adwords.
  • La plateforme web qui dépendait totalement d'un très bon référencement Google et qui après des mises à jours de l'algorithme Google se retrouve en 10ème page des résultats (on sait qu'à la 2ème, votre visibilité est réduite de 80%).
  • L'entrepreneur qui avait tous ses contacts clients via son profil Facebook et qui voit son profil fermé sans sommation par le géant bleu pour non-respect des règles dictées dans les CGU. D'ailleurs j'en profite pour le dire : si vous avez encore un "faux profil Facebook" qui porte le nom de votre marque/boutique, vous avez la possibilité de le transformer en "page", faites-le ça vous évitera bien des déboires. En ce moment l'algorithme Facebook ferme beaucoup de profils de ce type, et c'est quasi-irrécupérable malgré la possibilité offerte de "prouver son identité".

La clé pour les créateurs / créatrices semble être la diversification des canaux de vente pour ne plus dépendre d'un seul partenaire, ou en tout cas réduire sa dépendance et être totalement serein en cas de choc majeur comme la fermeture d'une plateforme.


Parmi les canaux disponibles : avoir son propre site web, son propre fichier emailing client, communiquer et même vendre via les réseaux sociaux, les boutiques physiques, les marchés, la vente à domicile et ... les plateformes.

Il n'y a pas de recette miracle, mais des mix qui conviennent plus ou moins selon votre profil, votre projet, votre cible client, et il faut trouver le votre. Quelqu'un qui aime la communication écrite et passer du temps sur les réseaux sociaux peut développer fortement sa page Facebook, son propre blog ou même juste sa newsletter hebdomadaire, comme vecteur de communication et de captation de contacts clients. Quelqu'un qui aime la publicité et dispose d'un budget de démarrage peut apprendre de nouvelles choses comme utiliser la publicité Facebook, Google adwords. Quelqu'un qui préfère le contact humain peut imaginer démarrer une activité de vente à domicile ou augmenter sa présence sur les lieux physiques (marchés, C.E, boutiques, etc...).

Dans ce mix, en tant qu'entrepreneur, vous vous devez d'avoir pleinement conscience de la nécessité de posséder votre capital propre :

  • Votre site E-commerce
  • et/ou votre Blog
  • et/ou votre mailing-list qui appartient à votre entreprise
  • et/ou Un fichier Client

tout en continuant à vous servir des plateformes et réseaux sociaux comme un "super plus"

  • Etsy, Dawanda, etc...
  • Facebook, Twitter, Instagram
  • Partenaires
Oui c'est facile à dire, moins à mettre en œuvre.

Je suis parfaitement conscient que l'on ne parvient pas du jour au lendemain à trouver notre propre mix, celui qui nous convient, qui fonctionne, et nous permet à la fois d'être à l'aise dans notre activité et de dégager assez de chiffre d'affaire. Mais au bout de ce chemin c'est une véritable indépendance et une sérénité face aux évènements extérieurs.

Parmi les créatrices interrogées, certaines se sont engagées fortement dans cette voie et y parviennent dans des délais raisonnables, c'est le cas de Noemie qui a créé L' oiseau Séraphine.

"J'ai démarré sur Alm et mon activité en dépendait à 90%, mais j'ai pris conscience que je devais avoir mes propres canaux de vente. Aujourd'hui mon site web représente en moyenne 80% de mes ventes et Alm seulement 20%. Je pourrai donc passer le virage  en renforçant encore plus la visibilité de mon site web".

"Je regrette quand même la disparition de cette plateforme qui avait un caractère convivial, et presque familial".

"La communication de dernière minute d' Alm qui laisse seulement 2 mois aux vendeurs est inacceptable".

Noemie, de lOiseauSéraphine.fr | | Alm


Ou de Marine de LittlePopStudio

"La fermeture d'ALM implique la perte d'un revenu d'1/3 de mon chiffre d'affaire soit entre 2000€ et 3000€. Je suis également sur etsy donc je ne perds pas tout mais je vais devoir chercher une autre plateforme pour palier ce manque de revenu."

Marine, de LittlePopStudio.com | | Alm


L'économie du partage contre l'ubérisation extrême

Le cas de la disparition de ALittleMarket rentre pleinement dans ce débat désormais récurrent concernant l'ubérisation de l'économie et ses conséquences. Développer une économie du partage réelle pour les créateurs du "fait main", face aux entreprises géantes qui ubérisent le secteur peut en effet être une réponse adaptée. Mais elle dépend davantage de la volonté d'acteurs qui ont les moyens de mettre en place un tel projet (création de la plateforme, gouvernance de rupture), moins de la volonté individuelle des petits entrepreneurs.

Le terme "économie du partage" indique qu'un groupe de personnes vivent économiquement d'échanges et cela se traduit dans le monde moderne par des plateformes web collaboratives et de mise en relation ou des structures juridiques de propriété d'un outil de travail par les travailleurs eux-mêmes, c'est le cas des SCOP par exemple (Société coopératives et participatives). C'est très sain et ça fonctionne. Seulement l'expression "économie du partage" a été employée à mauvais escient par de grands groupes qui ont la volonté de "prendre les marchés". On les connaît tous, qu'ils s'appellent Uber, AirBnB, ou Etsy, ils ont clairement la même démarche : "The winner take all". La résultante est souvent une dépendance très forte des petits entrepreneurs à ces plateformes géantes.

La question n'est pas de savoir si c'est bien ou mal, l'ubérisation existe et permet à bon nombre de gens de travailler. La question est de savoir si en Europe ou en France, une "véritable économie du partage" est prête à répondre à l’uberisation extrême en créant des plateformes différentes, plus éthiques, solidaires.

Ca existe déjà outre-atlantique sous le nom de coopératisme de plateforme et des projets naissent en France, notamment dans le secteur du fait main avec le Projet Lapin Blanc par exemple.


Conclusion

Les solutions sont multiples et dépendent de toute la société, des grands acteurs du numérique en France, des politiques menées en faveur du développement de l'économie du partage, du comportement des professionnels et de celui des acheteurs.

"Changer le système" en proposant de véritables plateformes éthiques, solidaires ou qui appartiennent à leurs utilisateurs sur des modèles "mutualistes", est tout à fait souhaitable.

Cependant il est probable que ces changement prennent du temps, et l'entrepreneur lui, n'a d'autre choix que d'appréhender l'environnement tel qu'il est aujourd'hui, de s'adapter et de se forger des stratégies qui lui permettent de limiter au maximum sa dépendance à un seul acteur, une seule plateforme.

Face à la toute puissance des acteurs géants qui font travailler des dizaines de milliers de personnes, je suis convaincu que l'entrepreneur peut prendre "avantage" de leur existence en restant maître de son propre bateau. A l'heure de l'ubérisation, être un "Entrepreneur Agile".


Fondateur d'Entrepreneo.fr. Developpeur web et mobile depuis 8 ans, je propose aujourd'hui mon expertise aux startups et aux Entreprises.

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4 Commentaires

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Mani , on 22/2/19 - Répondre

Bonjour, Alors je viens d'apprendre que des anciennes créatrices de chez ALM ont repris le flambeau comme ont dit et ouvert www.pfmmarket.fr avec les mêmes avantages commerciaux et même peut être mieux. Est ce que quelqu'un peut m'en parler ? En tout cas, ça permettra aux américains de ne pas être les rois de l'Internet...y'en a marre ou sont les sociétés française sur le Net ? Un coup de sang, désolé mais c'est vrai quoi ! A bientôt et bonne journée.

Guillaume , on 18/7/17 - Répondre

Je me reconnais totalement, c'est ce que je conseille à beaucoup d'amis Freelance, il faut diversifier ses canaux. C'est bien de vouloir tout miser sur un canal, pour beaucoup : une plateforme. Seulement, cette stratégie (rentable à court termes) peut détruire tout un business en de souci, et on l'a vu avec ALM ! Pourtant qui s'y attendait ? Et avoir son propre site, c'est INDISPENSABLE, petit à petit, on se fait une réputation et on peut devenir quasiment indépendant !

celine21 , on 18/7/17 - Répondre

je suis vraiment révoltée par la facon dont alm nous traite et nous laisse tomber alors que pendant des années nous les avons aider à reussir. la lecon est tirée pour moi j'ai fais mon propre site ecommerce gratuitement avec https://www.eproshopping.fr/alittlemarket/ a bon entendeur

Stephane , on 10/7/17 - Répondre

Nous avons vu que vous étiez aussi embêté pour la fermeture de Allitlemarket / Allitlemercerie un outil a été crée permettant de récupérer votre catalogue produits (image, prix, description, catégorie) en CSV et de l’importer sur votre boutique en ligne. Pour le moment, il est compatible avec les boutiques en ligne CmonSite ou Prestashop si ça vous intéresse Voici le lien pour en savoir plus : https://goo.gl/YYdiwj

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